Les policiers qui ont fait usage de leur arme face à Naël, 17 ans, invoquent le refus d'obtempérer du conducteur pour justifier d'avoir ouvert le feu.
La gauche juge en partie responsable la loi de février 2017, relative à la sécurité publique encadrant l'usage des armes par les forces de l'ordre, jugée trop laxiste.

En 2022, 13 décès ont été enregistrés après des refus d'obtempérer lors de contrôles routiers, un record. Si autorités et syndicats de police l'attribuent à des comportements au volant plus dangereux, des chercheurs et la gauche incriminent eux une loi de 2017, modifiant l'usage de leur arme par les forces de l'ordre. "Pour nous il est urgent de revenir sur la loi du 28 février 2017. Cette loi est trop ambiguë dans sa formulation et permet aux policiers une lecture très discutable quant à l'usage du feu", a réclamé l'écologiste Sabrina Sebaihi mardi lors des Questions au gouvernement, après le décès de Naël, tué à bout portant par un policier à Nanterre

Que dit la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, encadrant l'usage des armes par les forces de l'ordre ? Elle indique que "dans l'exercice de leurs fonctions et revêtus de leur uniforme ou des insignes extérieurs et apparents de leur qualité, les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent (...) faire usage de leurs armes en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée" dans cinq cas précis. L'un d'eux concerne les refus d'obtempérer de conducteurs de véhicules. Les policiers sont autorisés à ouvrir le feu "lorsqu'ils ne peuvent immobiliser, autrement que par l'usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui"

La loi n'oblige plus les policiers à prouver une légitime défense

Les policiers peuvent aussi utiliser leurs armes pour empêcher ou stopper la mise en danger de la vie des policiers ou d'autrui par des personnes armées ou non, ou la "réitération, dans un temps rapproché, d'un ou de plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d'être commis". Aussi, "après deux sommations faites à haute voix", ils peuvent tirer pour "défendre autrement les lieux qu'ils occupent ou les personnes qui leur sont confiées" ou "contraindre à s'arrêter (...) des personnes qui cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et qui sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui"

Si la loi est critiquée, c'est parce qu'elle est soumise à interprétation. Qu'est-ce qu'un "cas d'absolue nécessité" ? Que signifie faire usage d'une arme à feu "de manière strictement proportionnée" ? Aussi, comment juger que les personnes qui ne se soumettent pas au refus d'obtempérer "sont susceptibles de perpétrer" "des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui" dans leur fuite ? Avant 2017, l'usage de leur arme par les policiers n’était régi par aucun texte particulier, ils devaient démontrer qu'ils agissaient en légitime défense.  

Les risques d'une "dérive à l'américaine" ?

Le texte législatif avait été modifié et assoupli après l'attaque aux cocktails molotov visant des agents de police à Viry-Châtillon (Essonne) en octobre 2016. La nouvelle loi a offert un cadre unifié applicable aux policiers et aux gendarmes ainsi qu'aux douaniers et militaires déployés dans le cadre de l'opération Sentinelle. En revanche, ce nouveau cadre d'ouverture du feu ne vaut pas pour les opérations de maintien de l'ordre. 

À l'époque, cette disposition législative avait été vivement critiquée par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), qui avait dénoncé une "extension dangereuse des cas d'autorisation d'ouverture du feu" et avait pointé les risques d'une "dérive à l'américaine".


Justine FAURE

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